« Bonne journée Melle Peine-à-Jouir ! Bises ! »
Voilà le texto que je reçois un dimanche midi alors que je viens d’arriver chez mes parents pour le déjeuner. Je me débats avec ma gueule de bois, j’ai chargé en anticerne pour maquiller mes 3h30 de sommeil et j’ai avalé une bouteille de bain de bouche pour tenter de masquer les litres de bière engloutis en dansant sur les tables (c’est un échec cuisant, mes parents ne sont pas dupes).
J’ai 20 ans, je profite à fond de ma vie d’étudiante célibataire, j’enchaine les soirées et les amants, les bières et les parties de jambe en l’air. J’ai soif de vivre à fond. Cette nuit-là j’ai terminé avec B., ce garçon qui fait naitre des papillons dans mon ventre depuis quelques mois. Je suis sur mon petit nuage, j’ai son odeur sur ma peau, j’ai ses gémissements dans les oreilles, j’ai l’empreinte de ses mains sur mes hanches. Je me sens vivante, belle et désirable, jusqu’à ce SMS. L’alcool s’évapore soudainement et je reste figée dans l’entrée de la maison « Je ne comprends pas, qu’est-ce qu’il veut dire ? ». En réalité j’ai compris mais mon cerveau refuse la vérité, cela me paraît trop bête, trop stupide et IL n’est pas comme ça. IL n’est pas con au point de me faire une réflexion, par SMS, sur le fait que je n’ai pas d’orgasme, si ? Et puis, je ne comprends pas le souci… On s’éclate au lit donc en quoi le fait que je n’ai pas d’orgasme pose problème ? Je ne sais pas si c’est ma gueule de bois ou toutes les questions qui se bousculent, mais je commence à avoir la tête qui tourne.
Vous voyez ces pubs pour des croisières qui montrent des gens beaux qui rigolent, dansent, jouent, s’éclaboussent joyeusement dans la piscine tout en gardant un maquillage impeccable et un sourire Colgate ? Avant de commencer ma vie sexuelle active, c’était plus ou moins la représentation que je m’en faisais : détente, plaisir, partage…
Cette « pub » étant partout, pourquoi mettrais-je en doute ces images ? D’accord, j’avais capté que pour certains, il pouvait y avoir des soucis mais je ne me sentais pas concernée. D’origine bretonne, j’avais le pied marin, le mal de mer ne pouvait m’atteindre et j’avais l’habitude de barboter dans l’océan donc qu’est ce qui pouvait mal se passer sur un gros paquebot ?
L’histoire avec B. arrive à un moment de ma vie où je commençais à comprendre que, contrairement à ce qu’on m’avait vendu, la sexualité était loin, très loin d’être un voyage fun et détendu. Je commençais, à ce moment-là, à apercevoir ce que les pubs ne montrent pas. Pas grave, me disais-je, tout ne peut pas être parfait ! Cependant, plus j’accumulais les rencontres et plus je captais à quel point le sexe était en fait, pour beaucoup de gens, une question de but à atteindre, de performances, de pression (sur soi et sur l’autre), de complexes, d’angoisses…bref, c’était beaucoup moins rigolo que prévu !
Mais alors, comment se passait ma sexualité jusqu’alors ?
Plutôt bien en fait.
Plus jeune, j’avais découvert les bienfaits de la masturbation et j’avais régulièrement des orgasmes grâce à ça. C’était sympa évidemment, mais on m’avait parlé du fameux « orgasme vaginal », celui qui arrive grâce à une pénétration. Un truc tellement incroyable qu’il te fait presque défaillir. Je prenais déjà beaucoup de plaisir avec les orgasmes que je me procurais seule, je trépignais de connaitre ce feu-d’artifice !
Lors de mes premiers rapports, je prenais du plaisir mais pas d’orgasme vaginal à l’horizon. Je mettais ça sur le dos de mon inexpérience. Je me disais qu’il fallait surement explorer des positions, c’était peut-être un problème d’angle, de profondeur, d’hygrométrie ou d’alignement des astres. Me voilà donc partie dans l’exploration des positions, un Kamasutra dans les mains et le pénis de mon partenaire dans le vagin ! Mais après une année intensive de travail, j’avais épuisé une grande partie des positions. J’avais essayé sous la douche, dans les bois, dans les champs, dans le lit, sur le canapé, debout, assis, couchée…et toujours pas d’orgasme vaginal. Je me sentais bien dubitative face à mes amies qui racontaient comment leurs partenaires les faisaient grimper au rideau, parfois même plusieurs fois.
Avec mon 1er copain nos chemins se séparent et je tombe rapidement amoureuse d’un autre garçon. Bon, si ça se trouve, ce n’était pas l’angle ou la profondeur, c’était peut-être la forme du pénis (mon ex avait une forme tout à fait standard mais quand on est face à ce genre de mystère, on cherche un peu toutes les explications). Seulement, là encore, j’ai beau m’amuser follement au lit, toujours pas ce fameux orgasme vaginal à l’horizon. Je n’arrive pas non plus à jouir avec le cunni. Pas grave, je prends énormément de plaisir, on s’amuse beaucoup, c’est tout ce qui compte, je dois juste ne pas être « vaginale ». Y’a pire comme défaut !
Mes deux premiers partenaires ayant été super cool sur mon absence d’orgasme, mon début de croisière s’est avéré être assez conforme à mes attentes. Je découvre, j’explore, je m’amuse, c’est léger et sans prise de tête, bref je suis plutôt contente d’avoir embarqué sur ce paquebot !
Cependant, lors de ma première grande période de célibat, au début de l’âge adulte, je me suis rapidement rendue compte que le rapport à la sexualité était plus complexe que ça. A 20 ans, je découvrais le grand large et ses tempêtes !