J’étais bien heureuse de mes avancées, j’avais mis à jour pas mal de blocages, j’avais travaillé sur certaines représentations mais il restait LE problème numéro 1 de ma vie à ce moment-là : comment débloque-t-on ce putain d’orgasme !?
Dans mes lectures, rien ne me parlait vraiment, disons que cela restait un peu trop flou. Alors je suis allée regarder ce qui se disait sur les réseaux sociaux sexo. Ces autres professionnels du cul devaient bien avoir des choses à me proposer. Je me suis abonnée à plein de comptes sympas et tous les jours je regardais attentivement ce qui se faisait, ce qui se disait. Je me suis vite retrouvée confrontée à une avalanche de posts vantant les mérites de tel nouveau sextoys, de tel lubrifiant génial « effet glace/chaud », de telle huile au CBD, etc. D’un côté, j’avais envie d’aller tester quelques trucs mais en même temps, une voix dans ma tête me disait que ce n’était pas la bonne direction. Sauf que je restais là, face à cette montagne de gadgets, de promesses des meilleurs orgasmes et de vies sexuelles révolutionnées. C’était frustrant.
Ma rencontre avec Camille
Et puis un jour, Camille Bataillon, une sexologue que je suis sur Instagram a sorti un post intitulé « Mon sextoy : mon ami ? » où elle parlait des dégâts de cette course au « toujours plus » et des conséquences sur nos vies sexuelles. Cela a été une révélation, je sentais dans tout mon être que c’était la personne qu’il me fallait et la piste qu’il me manquait pour sortir de mon labyrinthe.
Je voyais enfin une putain de lumière dans ce brouillard sexuel. J’ai pris rendez-vous avec elle dans la foulée et nous avons parlé de mon vécu, de mes expériences et de ma manière d’aborder la sexualité.
Dans un premier temps nous avons discuté de mon désir
En sexologie, quand on aborde le thème du désir, de la réponse sexuelle on parle souvent du Dual Control Model (modèle qui a été développé par Dr. John Bancroft and Dr. Erick Janssen en 1990 et qui est très bien expliqué dans Je jouis comme je suis d’Emily Nagoski). L’analogie la plus souvent utilisée est celle des pédales de frein et d’accélérateur. Dans notre société, on tendance à vouloir appuyer toujours plus fort sur cette dernière (c’est par exemple tout ce qui touche à « Booster votre libido » : aphrodisiaques, achats de lingeries/sextoys, etc.) et à zapper totalement celle du frein. Or, comment voulez-vous avancer si vous avez la pédale de frein appuyée au max ? Ou même juste à moitié ? Ce qui se cache sous cette pédale de frein varie suivant les individus : croyances, expériences sexuelles passées, angoisses de performance, traumatismes, charge mentale, problèmes hormonaux, maladie, dépression, ennui dans le couple ou dans la sexualité, tensions, manque de confiance en soi, etc. De plus, chaque individu a des pédales de frein et d’accélérateur de sensibilités différentes. Il est donc primordial dans la question du désir, de la réponse sexuelle, d’aller analyser un peu tout ça car parfois, le fait de travailler sur le frein peut vous faire avancer sans avoir besoin d’ajouter du gingembre à tous vos plats ou de vous ruiner en lingerie sexy.
Comme beaucoup, j’avais appris à appuyer toujours plus sur l’accélérateur pour « booster ma libido » ou pour tenter de résoudre mon souci d’orgasme. Si cela peut marcher un temps, ce n’est pas tenable à long terme si votre pédale de frein est enclenchée elle aussi. Vous faites quelques mètres puis vous vous retrouvez encore à l’arrêt pour la 45000ème fois depuis le début de votre vie sexuelle ou vous faites quelques kilomètres mais cela vous prendra beaucoup de temps et d’énergie. Vous repartez donc à la recherche d’un autre truc à essayer (sextoy, lieu, nouveau partenaire…) en vous disant que cette fois, ça marchera sûrement !
Dans mon cas, nous avons continué à travailler un peu sur mes freins, mon plus gros étant évidemment mon complexe lié à mes difficultés à avoir un orgasme et toutes les conséquences que cela a pu avoir dans mes relations passées. Ces discussions m’ont fait beaucoup de bien alors Camille a voulu me faire un peu travailler sur ma pédale d’accélérateur. Comme de nombreuses personnes, j’avais appris à ne pas vraiment me connecter à mes sensations et je faisais reposer mon excitation uniquement sur des stimuli extérieurs plutôt que de me concentrer sur mes ressentis intérieurs. Afin de me reconnecter à mon corps et à mes sensations, elle m’a donné plusieurs exercices de pleine conscience et nous avons repris rendez-vous pour le mois suivant histoire de faire le point. J’ai décidé de mettre en pratique dès la fin de notre rendez-vous et j’ai été très surprise de constater que…c’était aussi simple. C’était presque frustrant en fait, la solution était si simple et accessible, pourquoi ne l’avais-je jamais expérimentée avant ?
En réalité, si cela m’a paru simple au début, j’ai rapidement déchanté…
Une nouvelle pression
Sans vraiment faire attention, j’ai réussi à me remettre une jolie pression sur les épaules : grisée par ce nouveau pouvoir, je voulais que cela marche à tous les coups et je ne comprenais pas quand « j’échouais ». Et si j’arrivais à avoir un orgasme avec un partenaire mais que je galérais la fois d’après avec cette même personne, je paniquais et me concentrais très fort pour jouir. Je me retrouvais donc dans la même situation que lorsqu’un amant forçait pour que j’ai un orgasme sauf que cette fois, j’étais seule responsable de ne pas prendre du plaisir en ayant un orgasme.
Alors je suis revenue vers Camille.
Nous avons parlé de ma frustration à réussir très facilement à jouir seule mais plus difficilement à deux et à quel point cela pouvait venir gâcher mes moments intimes. En réalité, il est normal que, lorsqu’on change les conditions, cela ait un impact sur nos réactions, nos ressentis, nos émotions. Je le savais pertinemment mais comme beaucoup de gens, bien qu’on sache des choses, on ne l’intègre que quand une personne extérieure vient nous le dire !
Nous avons aussi abordé le fait que le désir et les sensations ne peuvent pas toujours être au même niveau et que cela peut varier en fonction de tout un tas de choses. Il faut apprendre à s’écouter et à faire en fonction des résultats de cette écoute. Prenons un exemple très bateau : mon cycle menstruel… Suivant la période dans laquelle je suis, mes envies évoluent et ma facilité à atteindre l’orgasme aussi. Juste après mes règles ça va en général mais si j’ai eu des règles très abondantes je peux être lessivée et mon excitation sera plus difficile à faire venir. Durant la phase ovulatoire par contre, je suis plutôt excitée et atteindre l’orgasme peut s’avérer plus facile. J’ai tendance à aller faire les yeux doux à tout ce qui passe et à sur-solliciter mes amants. Par contre, en phase prémenstruelle, là, c’est une autre histoire… Parfois cela se passe plutôt bien et parfois c’est catastrophique. On va dire que dans le meilleur des cas, je suis un peu fatiguée, j’ai plutôt besoin de tendresse, de faire l’amour de manière calme, juste me reconnecter à mes sensations avec des caresses, des câlins, des baisers dans le dos. Et dans le pire des cas, mes hormones me font vivre une « dépression express » : plus rien ne me fait envie, j’ai peu d’énergie et ma vie n’a plus de sens (du coup j’imagine tout plaquer pour élever des chèvres en Ardèche, faire le tour du monde, acheter une maison perdue en forêt et vivre en autarcie alors que je ne suis pas foutue de faire pousser des tomates, etc.). Je pleure devant des vidéos de chatons et alors que je n’aime pas spécialement le sucré, il me faut des bonbons ou des gâteaux (des Pailles d’or, à la framboise évidemment, pas les conneries à la fraise des bois là). Bref, dans ces cas-là, même si je vais prendre du plaisir, il peut m’être difficile d’avoir un orgasme. Cependant mon corps sera terriblement sensible à la tendresse, aux caresses et aux baisers sur chaque cm carré de ma peau.
Ensuite, j’ai réalisé que même si j’avais réussi à débloquer certains aspects de ma sexualité, j’étais toujours dans une recherche de l’orgasme à tout prix et non de plaisir. Mes angoisses liées à mes expériences passées me poussaient à être encore dans la performance pour prouver que je n’étais pas « si défectueuse que ça ».
Nous avons un peu plus développé l’aspect « pleine conscience » de la sexualité mais elle m’a surtout encouragée à travailler pour avoir un rapport plus sain avec mon corps, mon esprit et ma sexualité. Dans une société qui prône la performance et ne supporte pas qu’on puisse avoir des fluctuations d’énergie, accepter d’écouter mon corps et faire en fonction de lui et non plus l’inverse s’avère être un challenge de chaque instant ! Toutefois, il m’était impossible de tendre vers une sexualité et une vie plus apaisée si je refusais de prendre tout cela en compte…